La bureaucratie, menace pour la réindustrialisation verte de la France ?

La complexité administrative française peut ralentir les projets industriels par rapport à l'Europe. Les incertitudes liées aux autorisations environnementales et aux recours contentieux peuvent prolonger le processus, ce qui peut décourager les investisseurs.

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Quand la complexité administrative et les contraintes normatives constituent un frein aux implantations industrielles

La complexité administrative française, souvent dénoncée par les industriels, entraîne un allongement d’un an, en moyenne, du parcours administratif des projets d’implantation industrielle en France par rapport à nos voisins européens1. Surtout, les incertitudes inhérentes liées à l’octroi d’une Autorisation Environnementale et au recours contentieux contre les permis de construire peuvent entraîner un allongement considérable du processus (plus de 5 ans dans certains cas), de nature à décourager les industriels, qui peuvent alors abandonner leurs projets2.

Afin de « dé-risquer » les porteurs de projets, l’Etat a récemment mis en œuvre une politique de sites d’accueil « clés en main », pour lesquels les procédures environnementales, d’urbanisme et d’archéologie préventive notamment sont déjà réalisées ; ainsi, le projet de Gigafactory d’ACC à Douvrin (62) a bénéficié du dispositif « site clés en main », permettant de diviser par 3 ou 4 le temps d’instruction habituel3.

Ainsi, la France est désormais capable de s’aligner sur les standards européens grâce à ces procédures qui sortent du cadre règlementaire habituel. C’est également dans ce sens que la récente loi dite « Industrie Verte »4 ; outre la parallélisation de consultation au public et d’instruction du dossier, cette loi a introduit la création d’un statut de « projet d’intérêt national majeur », autorisant des dérogations à un Code de l’Environnement qui a souffert, ces dernières années, d’une forte inflation normative5, pour répondre notamment aux préoccupations environnementales au sein de la population.

Reste maintenant à comprendre la logique du législateur, qui consiste à maintenir la complexité et l’incertitude des procédures de droit commun, et prévoir tout un ensemble de mesures d’exceptions à la règle pour les projets d’implantation majeurs. De ce fait, les projets industriels de petite taille – a fortiori ceux ne répondant pas exactement aux critères de la loi « Industrie Verte » – risquent encore d’être pénalisés dans leur mise en œuvre faute d’un cadre réglementaire lisible et d’une simplification quant aux différentes administrations impliquées.
 

Pourquoi la loi « Industrie Verte » ne va pas assez loin ?

L’analyse ci-dessous (figure A) du droit applicable en France et dans les pays parangonnés pour des implantations industrielles et logistiques, réalisée dans le cadre du diagnostic de Laurent Guillot en 20221, a permis de déboucher, sous conditions, sur une accélération de la procédure d’instruction et d’autorisation dans le cadre de la loi dite « Industrie Verte » promulguée en octobre 2023.

Si les « Big 5 » de l’industrie verte que sont l’hydrogène vert, batteries, éolien, pompes à chaleur et photovoltaïque4 bénéficient d’un traitement de faveur, cela suppose de connaître la nature de l’occupant des bâtiments industriels préalablement à l’instruction du dossier. Dans le jargon des professionnels de l’immobilier d’entreprise, Il s’agit des développements de bâtiments clés en main ou en comptes-propres, surtout valable pour les plus grands établissements.

Or, cette perception technocratique du fonctionnement du marché immobilier se confronte à une toute autre réalité : le marché de l’immobilier d’entreprise a fortiori le marché des locaux d’activité pris à bail ou achetés par ces mêmes industriels, s’appuie plus fréquemment sur la construction de bâtiments dits « en blanc » (ou « en gris »), sans connaissance de l’utilisateur des locaux au moment de l’instruction des autorisations de construire et du démarrage effectif des travaux. Un marché animé en grande partie par les PME-PMI, et qui dépendent souvent des grands donneurs d’ordres.

 

1 : D’après Laurent Guillot, « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », rapport au Gouvernement, janvier 2022.
2 : D’après France 3 Bretagne : « Le projet d’usine Bridor à Liffré abandonné par le groupe Le Duff », 30 mai 2023
3 : D’après Parc des Industries Artois Flandres : « Le Parc « reconnu » site industriel clés en main », 13 octobre 2020 et le Sénateur Laurent Somon, Rapport Législatif n° 736 (2022-2023) lié au projet de loi Industrie Verte », déposé le 14 juin 2023 : « il ne s’est passé que deux ans entre l’annonce de l’implantation de la gigafactory d’ACC à Douvrin, en 2021, et son ouverture il y a quelques jours »
4 : D’après Banque des Territoires : « Industrie verte : le projet de loi adopté par le Parlement », 11 octobre 2023 et « La loi Industrie Verte publiée, 24 octobre 2023
5 : D’après Public Sénat : « Entreprises : les pistes du Sénat pour stopper la « prolifération normative », 15 juin 2023
(« depuis 2022, le code de l’environnement s’est épaissi de 653 % »)

 

Figure A : Comparaison des délais théoriques et réels d’implantation en France et dans les pays parangonnés

Histogramme des délais d'implantation

Source : Analyse du droit applicable en France et dans les pays parangonnés en 2022 pour des implantations industrielles et logistique - D’après Laurent Guillot, « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », rapport au Gouvernement, janvier 2022.

La préconisation d’Arthur Loyd

Partant de ce constat, une réelle simplification des procédures et accélération de l’implantation d’industries vertes dans les territoires aurait plutôt consisté à alléger les contraintes normatives liées à la construction de locaux professionnels quelle que soit l’activité de l’occupant, ou à défaut, de limiter ces allégements à de grands bassins industriels tels que les 183 territoires du programme « Territoires d’Industrie ».
 

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